Il a fallu de longues décennies…
Il a fallu de longues décennies pour que nous, femmes en occident, puissions obtenir la liberté d’aller et venir sans chaperon, la liberté d’avoir un compte en banque, de travailler, de voter, de contrôler les naissances et de pouvoir aimer, intimement, librement qui nous voulions… le combat n’était pas terminé, certes, il restait encore à obtenir l’égalité de salaire et bien d’autres choses. Mais nous étions en bonne voie. Pourtant, déjà, malgré tous ces droits acquis, chaque femme, la puberté venue sait qu’il lui faudra être attentive aux endroits où elle se rendra le soir, à comment elle devra s’adresser à certains hommes, comment elle devra esquiver les regards libidineux, les mains baladeuses. Elle sait qu’elle rentrera dans un parking avec toujours une boule au ventre, elle fera gaffe à ne pas laisser son verre sans surveillance en boîte de nuit. C’est ainsi que l’on a toutes appris de nos mères, de nos sœurs, de nos pères et de nos frères cette vigilance comme une seconde nature.
Et rien que pour arriver à cette liberté vigilante, il a fallu que nos aïeules se battent, parfois meurent, qu’elles affrontent des sociétés patriarcales omnipotentes, des hommes peu amènes à lâcher leurs prérogatives. Cela s’est fait dans le sang, dans les larmes et dans les injures. Elles ont été traitées de putes, de salopes. Mais elles n’ont pas faibli. Elles ont cru au soir de leur vie que ce qu’elles avaient obtenu durant le 20 ème siècle était en bonne voie d’acquisition. Il y avait bien quelques mâles rugissants tels de vieux lions impuissants mais guère plus…
Tout cela, c’était avant. Avant le 31 décembre 2015. Avant Cologne, Zurich, Helsinki et d’autres villes d’EUROPE.
C’était avant le grand silence coupable des médias et des politiques qui ont caché l’horreur de ce terrorisme sexuel.
Honte à eux ! Nos sœurs sont victimes de viols, et d’agressions sexuelles par des impuissants obligés d’agir en meute.
Une agression sexuelle… Un double mot difficile à cerner n’est ce pas ? On peut s’imaginer des hommes l’œil vitreux par l’alcool, le sourire niais, pinçant « gentillement » les fesses d’une fille en jupe courte (et même cela ce serait hideux et blâmable). Mais à Cologne c’est pire que ça. Imaginez vous, le soir du 31, vous allez retrouver des amis. Vous vous êtes mis des talons pour l’occasion et des paillettes. Vous vous êtes maquillée, comme quand on sort le soir, vous avez pris un petit sac. Vous marchez dans les rue de votre ville celles où vous marchez tous les jours pour aller travailler ou faire des courses.
Puis sur la place, un gros attroupement d’hommes jeunes qui parlent dans une langue que vous ne comprenez pas. Vous pensez à faire demi tour, mais il est déjà trop tard, la meute se s’approche en lançant ce que vous comprenez être des injures, des insultes et des mots salaces. Quelques mots fusent dans un mauvais allemand : « pute » « tu veux baiser ? » « enlève des habits ».
Bientôt il n’y a plus d’issue et la foule vous entoure. Le sac à main minuscule est votre seule arme, les chaussures vous empêchent d’envisager même de courir, et sans chaussure, c’est impossible, le sol est jonché de tessons de bouteilles de bière… Appeler au secours, bien sûr mais qui va vous entendre ? le bruit est fort, les hommes hurlent. Vous sortez votre téléphone pour appeler la police, s’il ne vous tombe pas des mains dans la panique, un des ces gars le volera… Un autre s’approche et soulève votre jupe. Vous vous retournez en essayant tant bien que mal de tenir votre jupe près de vous tandis que par derrière un autre arrache votre sac. Puis les mains sont partout, sur vos seins, sur votre sexe, dans votre sexe, sur vos seins, dans votre bouche. Vos cris, vos pleurs les font rire, les excite. Vous hurlez, vous croyez que c’est faux, que c’est un mauvais rêve. Vous entendez d’autres femmes pleurer et hurler plus loin.
Et toujours ces mains, ces mains sales d’hommes sales, ces saletés de mains partout sur vous, sur votre maquillage, sur vos habits, sous cette jupe qu’il y a une heure encore vous aimiez tant et qui vous fait horreur maintenant.
Fuir, fuir est votre seule pensée. Un mouvement de foule laisse apercevoir une issue, sans savoir comment vous passez entre leurs mains et leurs crachats. La salive de ces hommes vous trouble la vue, vous vous essuyez avec votre manche en courant.
Un talon cède, vous vous en fichez, vous courrez jusqu’à perdre haleine, d’ailleurs vous ne savez pas comment vous respirez.
Vous avez le repas du soir qui remonte dans votre gorge. Finalement lassé de vous, ils tournent leur attention vers une autre proie, prise au piège plus loin, vous en êtes honteusement soulagée et vous fuyez jusqu’à un pub ou un bar. Vous vous rendez compte que votre jupe n’est plus là, votre collant en lambeau. Votre manteau arraché. Vous avez des griffures et des bleus… je ne vous parle même pas de l’état de choc…voilà comment on vous retrouve… Dans le refuge, vous voyez d’autres femmes dans le même état et des hommes qui vous regardent dévastés et en rage…
Voilà ce qui s’est passé le 31 décembre 2015. Voilà ce que l’on tait ! Voilà l’horreur, la souillure de ces bêtes immondes.
Je se sais pas combien de douches et de bains elles ont du prendre en 11 jours, ni combien de fois elles ont changé de vêtements, ni si elles ont jeté leurs jupes et leurs robes, ni si elles ont brûlé leur maquillage. Je ne sais pas si elles ont pu ressortir de chez elles, prendre le bus ou le métro ou même juste croiser un homme. Je ne sais pas si elles ne rêvent pas chaque nuit de ces ignobles mains en elles, sur elles, si elles ne craignent pas des maladies en plus du dégoût.
Elles doivent avoir leurs sourires infects gravés dans la rétine, leurs injures gravées dans leurs oreilles.
Je suis une femme… Arrêtons d’être lâches et cons…
Je ne suis rien ni personne, je ne suis pas une politique ni que dalle. Je suis une femme. Et je parle en femme. En femme libre, en femme qui se dit que cette ignominie est aussi grave que Charlie, que Le Bataclan, que Paris et que toutes les saloperies que ces abrutis du Coran nous ont faites: journalistes, juifs, flics et militaires, notre jeunesse et maintenant nos femmes ?! et nous ne faisons rien ? nous ne disons rien ? Nos femmes, nos sœurs, nos mères ? terrorisées par un crime impuni ?
Alors merde à ceux qui me diront islamophobe : d’abord je ne suis pas « phobe », je n’ai pas peur. Ensuite, je sais mes idées et mes convictions de femme libre, républicaine et de gauche.
Pas d’amalgame ? Arrêtons d’être lâches et cons. Nos sœurs ont été attaquées. MERDE ! Nos sœurs occidentales attaquées parce qu’elles sont des putes pour ces incultes, attaquées parce que libres, par ces ratés, ceux qui ne supportent pas la liberté des femmes et leur interdisent de par leur « culture » le seul droit d’exister? Et nous allons supporter cela ?
Non, il faut dire non, ici et maintenant. Non. Et il n’y a pas d’amalgame, c’est juste la vérité: des femmes libres ont été humiliées et salies par des hommes que l’occident a accueilli à bras ouverts, qui leur a donné à manger et à boire, qui s’est ému de leur sort… Honte à eux, à leur traîtrise.
Alors n’étant rien ni personne, je demande à toutes les femmes et à tous les hommes qui me liront d’écrire aux médias, d’écrire à nos instances européennes, à nos députés, à nos élus… de leur dire leur effroi et leur solidarité envers nos sœurs, de leur dire leur colère face à ce silence ignoble. De les abreuver de mails et de lettres. Pour que plus jamais dans mon pays, dans votre pays, dans mon Europe, dans votre Europe cela recommence.
Maître Anne DUNAN